mercredi 14 septembre 2011

Les coopératives ont des balises

La voie coopérative rend possible la participation à la propriété (part sociale nominative), au pouvoir (une personne, un vote), à l’utilisation (créatrice de la richesse) comme travailleur, consommateur ou fournisseur, ainsi qu’aux résultats (affectation des trop-perçus à la réserve, aux membres ou à la communauté). L’idéal coopératif s’articule en huit balises: la démocratie, l’égalité, l’équité, la solidarité, l’honnêteté, la transparence, la responsabilité sociale et l’altruisme.

La démocratie exige un vote par personne, sans tenir compte du statut ni du capital investi. Ainsi, la personne est placée au centre du projet coopératif. L’égalité était la valeur supérieure des premières coopératives, à tel point que certaines payaient le même salaire pour tous les métiers et donnaient la même ristourne à chaque membre. Aujourd’hui, l’égalité veut que tous jouissent des mêmes droits peu importe les différences individuelles. En vertu de l’équité, chacun reçoit en fonction de son apport. Les bénéfices sont proportionnels aux activités (ou à l’usage) économiques du membre avec sa coopérative.

La solidarité commande l’assistance entre membres et dans la collectivité. L’honnêteté consiste non seulement à observer les lois et règlements, mais aussi à agir de bonne foi selon sa conscience. La transparence exige la communication des informations pertinentes, c’est-à-dire utiles, exactes et à la portée de tous. La responsabilité sociale tient compte de l’impact de la coopérative dans la communauté. L’altruisme se manifeste dans le dévouement désintéressé à autrui.

Le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ) résume en quatre axes l’essentiel des balises que je viens d’évoquer : 1) primauté de l’humain et de l’emploi sur le capital, 2) prise en charge individuelle et collective, 3) processus de décision démocratique, 4) production de biens et de services socialement utiles.

dimanche 11 septembre 2011

Les valeurs familiales m'influencent

Durant mon enfance dans les années 1950, mes parents m’ont donné l’exemple de l’entraide. À la campagne, les voisins s’épaulaient quand leur récolte était menacée ou quand un malheur survenait à l’un d’eux.

Mon père avait un sens inné de la justice. Il n’était pas instruit, mais il établissait une différence entre le droit du plus fort et la justice qui était censée s’appliquer à tous. Ma mère était davantage préoccupée de l’amour du prochain. Elle pardonnait à ceux qui lui avaient fait du tort et voulait être pardonnée par ceux qu’elle avait offensés.

Ma mère m’a inculqué qu’il faut prendre soin des autres et mon père qu’il faut prendre soin de soi. Je retiens aussi de ma mère la prière et la méditation, et de mon père, le travail bien fait.

Comme mes parents, qui ont mené une vie simple, je vis modestement, à l’écart des foules. J’aime me retirer du monde extérieur avant de poser un geste public, pour me concentrer sur le sens à donner à mon action.

vendredi 9 septembre 2011

Vers une meilleure civilisation

Le coopératisme apparaît comme un idéal à condition d’en appliquer les valeurs distinctives. Cette approche motivée par le service plutôt que par le profit s’inscrit dans l’histoire de la nation québécoise et par conséquent dans mon cheminement. Durant la période religieuse qui a prévalu jusqu’à 1960, j’ai vécu dans mon enfance les relents de la survie comme peuple à la campagne. On avait des familles nombreuses. Les gens s’épaulaient. On faisait beaucoup avec peu.

Avec l’instruction et l’ouverture sur le monde qui ont marqué la période sociale-démocrate des années 1960 à 1980, est venue l’affirmation de l’ego. On a aussi émigré en ville.

Depuis 1980, nous sommes entrés dans la société de consommation, puis dans la mondialisation. En 50 ans, nous sommes passés d’une société repliée vers l’intérieur à une société tournée vers l’extérieur. Le matériel a pris le dessus sur le spirituel et l’individuel sur le collectif.

Desjardins a suivi la même évolution en s’affirmant comme institution financière francophone devant les riches banques anglophones. Actuellement, le mouvement coopératif existe à l’ombre du capitalisme tout puissant et évolue parallèlement au monde politique. D’un côté, il craint de faire des vagues. De l’autre, les médias l’ignorent et les politiciens l’assimilent à la branche privée de l’économie. L’actuelle Direction des coopératives est l’une des 35 directions que compte le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec, ce qui est loin d’en faire une priorité.

Savoir d’où l’on vient nous guide vers où l’on va: alors que le coopératisme est encore généralement réduit à un modèle d’affaires, ses pionniers ambitionnaient de changer le monde. Je souhaite que nous acceptions notre diversité comme une richesse; que notre complémentarité soit notre force; et je rêve que le Québec soit le laboratoire d’une meilleure civilisation qui puisera dans les valeurs coopératives.

jeudi 1 septembre 2011

Réveiller l’énergie coopérative endormie dans les millions de membres

En 1980, j’ai publié un manifeste intitulé La Bombe C…  En proposant de créer des comités d’information dans chacune des 1400 caisses populaires et d’économie de l’époque, je voulais réveiller l’énergie coopérative endormie dans les millions de membres.

L’année suivante, avec mon épouse, Marcelle Stratford, j’ai fondé le Mouvement Renouveau Politique inspiré du coopératisme pour relancer la vie sociale et économique, et axé sur l’État-arbitre pour alléger les administrations publiques. L’éditorialiste de La Tribune de Sherbrooke a commenté ainsi notre initiative: «Le discours du couple Stratford […] s’adresse au cœur et à l’âme. Il cherche d’abord à provoquer une prise de conscience, à transformer les mentalités.»

Dans une nouvelle version inédite de la Bombe C datée de 1983, intitulée Le temps s’en vient, j’ai essayé de préciser le lien entre ce que j’appelais la «mutation spirituelle» et le coopératisme «en tant que nouveau régime économique, politique et social fondé ni sur la recherche du profit ni sur la lutte des classes, mais plutôt sur l’organisation de l’entraide». Aussi, j’ai appliqué aux sciences sociales la formule bien connue dans les sciences physiques, E = mc2, où j’annonçais que l’Énergie serait le produit de trois facteurs principaux, soit la Motivation, la Coopération et la Communication.

En 1985, j’ai rédigé une troisième version inédite intitulée Mon option. En introduction, j’ai précisé «que le coopératisme dont je parle n’est pas les coopératives actuelles, ses institutions restant à inventer en grande partie. Les coopératives conçues en vue de la recherche systématique d’un profit matériel, ou fonctionnant de fait dans cet esprit, peuvent n’être qu’une autre forme d’entreprise capitaliste. Quant aux coopératives créées dans le giron de la lutte des classes, elles peuvent servir également d’autres fins que l’entraide. Or, l’entraide est le fondement spécifique du coopératisme.»

Ce grand rêve, je l’ai vécu au quotidien dans mon travail, discrètement. Il continue de m’habiter. Je demeure porté à rassembler plutôt qu’à diviser. Je cherche à résoudre les conflits. Mon aspiration rejoint celle d’Antoine de Saint-Exupéry pour qui le plus beau métier était d’unir les gens.