dimanche 28 août 2011

Desjardins avait de bonnes jambes

Quand nous parlons de valeurs, nous risquons d’être identifiés à la morale ou à la religion. Pourtant, sans même en prendre conscience, nos décisions reposent sur des valeurs et expriment nos préférences. Par exemple, nous pouvons préférer le jazz à la musique classique, aimer mieux jouer au tennis que regarder jouer, ou encore lire Le Devoir plutôt que Le Journal de Montréal. Nos valeurs sont nos jambes, notre enracinement. Il faut se tenir debout pour s’appuyer les uns les autres.

Si je poursuis l’analogie du corps humain, je constate que notre société est fondée sur le haut du corps considéré supérieur autant dans l’idée de hauteur que dans celle de valeur. Nous avons tendance à créer des structures qui descendent du haut vers le bas. C’est l’approche hiérarchique qui impose ses vues à partir du sommet.

Je suggère de redécouvrir le bas du corps. Tout part du sol, des pieds, des jambes. Par exemple, ça prend deux jambes solides dans le hip-hop, le break dancing ou la danse de rue. Au tennis aussi, le jeu de jambes est nécessaire pour atteindre la balle et pouvoir la frapper en appui.

Le bas du corps pour une coopérative, ce sont ses membres. Sa force vient de ses militants animés par des valeurs communes. Pour créer une coop, il faut que les fondateurs aient une vision, un but collectif défini, compris et partagé par la base.

J’ai été élevé dans un village où les valeurs catholiques étaient la référence. Il me vient à l’esprit la foi, l’espérance et la charité, cette dernière vertu étant la plus fondamentale pour le coopératisme. Le partage et la solidarité nous engagent à agir avec amour, bonté, générosité et serviabilité envers notre prochain. Les coopératives québécoises sont nées dans cette perspective, qui était aussi celle des corvées que nos ancêtres accomplissaient ensemble.

Ainsi, l’œuvre d’Alphonse et de Dorimène Desjardins est au départ à la fois morale et économique. Desjardins écrit en 1910 que le Catéchisme des Caisses populaires sera «un levier puissant de relèvement moral, intellectuel et matériel dont les heureux effets se traduiront […] par une conception plus haute et plus large du rôle du citoyen et du travailleur».

Desjardins avait de bonnes jambes. Son initiative a pu compter sur le dévouement, l’abnégation, voire le zèle de milliers de bénévoles bâtisseurs qui recherchaient le mieux-être collectif.

samedi 27 août 2011

Le coopératisme, le projet du siècle?

Le coopératisme a actuellement une faible visibilité médiatique et politique. L’année internationale des coopératives en 2012 lui donnera un nouveau souffle. Qui osera en faire le projet du siècle?

Les premiers coopérateurs voulaient réduire l’extrême pauvreté des ouvriers en Europe au milieu du 19e siècle et enrayer l’endettement rural au Québec au début du 20e siècle. Le bon sens leur dictait qu’on est mieux servi par soi-même et que l’union fait la force. 

À partir des années 1960, l’État québécois accroît son rôle dans l’économie. Inspiré par le slogan «Maîtres chez nous», le gouvernement met sur pied des sociétés chargées d’exercer un leadership ou un contrôle dans la plupart des secteurs économiques. Aussi, il s’engage en matière d’aide sociale. Il prend la direction de nombreuses œuvres. Son intervention donne à beaucoup de citoyens l’impression que leurs efforts de prise en charge ne sont plus nécessaires. Les coopératives ne semblent plus se présenter comme une alternative sociale majeure.

Malgré cela, le mouvement coopératif québécois se renouvelle. Les premières coopératives québécoises étaient agricoles et financières; avec le temps, d’autres se créent pour répondre à des besoins dans de nouveaux secteurs: coopératives forestières, funéraires, ambulancières, coopératives de travail, d’habitation, de consommation, de services de proximité, d’utilisation de matériel agricole, de services à domicile et de santé, etc.

La coopérative est une entreprise, tandis que le coopératisme porte un projet de société. La coopérative exige la coopération, mais l’esprit coopératif peut se réaliser en dehors du cadre juridique. Cet humanisme, qui a pour fin le plein épanouissement de la personne, n’a pas encore produit tous ses fruits. Ce serait un puissant moyen pour relever les défis de paix et de justice à l’intérieur des nations et entre elles. N’est-ce pas un contrepoids aux excès du capitalisme?

jeudi 18 août 2011

Facebook: un feu roulant de «nouvelles»

En voulant écrire mon troisième article, je me retrouve seul devant un écran vide. Quel sujet aborder? Sous quel angle? D’un côté, je trouve qu’il se diffuse une énorme quantité de messages, trop de longs textes, beaucoup de rapports que bien peu de gens lisent. De l’autre, j’aimerais partager moi aussi des idées et des réflexions à l’occasion.

Facebook, par exemple, m’interpelle. Ce feu roulant de «nouvelles» transforme notre manière de nous relier les uns aux autres. Ce nouvel outil change notre façon de penser, de lire, de rédiger, d’illustrer, en un mot de communiquer et d’agir. De vivre même. C’est exaltant de participer en direct à une telle mutation. Je tiens cependant à garder du temps pour la lecture de journaux, magazines et livres.

Dans mon réseau, je réunis notamment des parents, des personnes que j’ai connues par le travail et des gens qui s’intéressent à la politique, au coopératisme et au développement durable. Je rassemble des amis qui parlent français, anglais et espagnol. Une telle diversité implique d’écrire des textes dans les trois langues à des interlocuteurs de cultures différentes. J’apprécie les photos et les renseignements qu’affichent mes «amis» sur Facebook. Eux, apprécieront-ils mes messages?

En apprivoisant ce nouvel outil pour partager des informations et échanger des idées, j’y découvre une grande variété de contenus et d’attitudes, comme dans les rencontres en personne. Qu’ils soient virtuels ou réels, nos rapports demandent de l’écoute et de la tolérance. La prise en compte de la diversité entraîne le respect de valeurs différentes des nôtres, qui viennent bousculer les idées reçues. Facebook pose le défi de l’ouverture d’esprit à ce qui ce qui se distingue de nous et parfois nous remet en question.

mercredi 17 août 2011

Politique: un grand ménage plutôt qu’une séparation

Le changement est un besoin récurrent et très sain en politique. Quand beaucoup de gens veulent un renouvellement, c’est un bon temps pour identifier des valeurs qui guideront le devenir de notre société. J’entends bien sûr participer à cette tâche collective.

Évidemment, toute opinion politique plaît à certaines personnes et déplaît à d’autres… Moi par exemple, j’ai maintenant le goût de sortir du débat entre fédéralistes et indépendantistes. Il aura fallu attendre 15 ans après le référendum de 1995 pour voir apparaître une sorte d’axe conservateur-progressiste au Québec, avec l’élection d’une majorité néo-démocrate au scrutin fédéral du 2 mai. Les nouveaux visages sont bienvenus. L’élection de jeunes députées et députés est rafraîchissante. Aurons-nous l’équivalent à la prochaine élection provinciale? Comme l’intelligence collective a tendance à s’éloigner des extrêmes, il y a des chances que beaucoup de gens avides de changement veuillent remplacer le parti libéral au pouvoir par un nouveau parti à mi-chemin entre libéraux et péquistes. Un grand ménage en somme, sans séparation! 

Plutôt que de chercher à tout prix à provoquer l’effondrement de la fédération canadienne, il vaut mieux à mon avis tirer parti de la situation actuelle. Notamment en achetant localement, en soutenant les projets locaux et régionaux, en appuyant les coopératives, mutuelles, organismes sans but lucratif et groupes communautaires.

La complexité du gouvernement provincial ou fédéral décourage la participation. C’est à l’échelle locale et régionale que les citoyens peuvent s’exprimer en mode créativité. Dans chaque circonscription, une boîte de dialogue électronique permettrait de recueillir les critiques, propositions et recommandations, de manière partisane ou non. Un bulletin présenterait de temps à autre une synthèse des idées exprimées et des suivis.

mardi 16 août 2011

Après l’analyse de la crise, une solution

À ce stade-ci de l’évolution, nous sommes placés dans cette alternative : on doit choisir entre la barbarie (un pas en arrière) et une nouvelle civilisation (un pas en avant).

Durant mon enfance et mon adolescence dans les années 1950 et 1960, j’avais peur de l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins destructrices. Dans les années 1980, j’ai pris conscience d’un autre arsenal de destruction massive : les polluants. Aujourd’hui, le système économique dominant m’apparaît en plus comme un château de cartes. La crainte de la crise totale peut être paralysante. Elle peut être aussi un déclencheur. 

Le capitalisme est le fruit d’une évolution historique; ses contrepoids aussi, que ce soit les États ou les mouvements «alternatifs». De plus en plus d’experts et de commentateurs de l’actualité analysent la problématique sous toutes ses coutures, mais plus rares sont ceux qui apportent des solutions. 

Il semble y avoir un nombre croissant de gens à travers le monde qui rêvent d’un grand changement. Celui-ci nécessite des citoyens assez motivés pour s’épauler afin de répondre à leurs besoins de base et pour diffuser leur expérience de solidarité. Il s’agit d’appliquer aux sciences sociales la formule bien connue dans les sciences physiques : E = mc2, où l’Énergie est le produit de la Motivation, de la Coopération et de la Communication. 

Le changement se prépare inconsciemment, imperceptiblement, au cœur de chaque personne jusqu’à parvenir à sa conscience. Les grands bonds passent par la prise de conscience collective. Dans la vie subjective de l’individu, dit Carl Jung, «se jouent d’abord toutes les grandes transformations; l’avenir et l’histoire entière du monde résultent en définitive de la somme colossale de ces sources cachées et individuelles». Le changement peut être long à venir, mais quand les gens sont prêts, ils se lèvent et leur mouvement devient irrésistible. 

Si les puissants s’entendent entre eux pour dominer le monde, les coopérateurs peuvent aussi s’entendre pour le rendre «plus juste, équitable, durable». Je propose d’expérimenter sur un territoire pilote de nouvelles formes d’organisation sociale, économique, culturelle et politique, fondées ni sur la recherche du profit pour le petit nombre, ni sur la lutte des classes, mais sur l’entraide et la sociabilité pour tous. Pourquoi ne pas appliquer les valeurs et les principes coopératifs dans une collectivité-pilote au Québec?